
Elle attend, patiemment.
Elle, son bébé, ses trois enfants, sa poussette et ses sacs de courses.
Elle regarde dans le vide, un peu perdue.
Elle est dans la queue pour la caisse, au supermarché, et la file d’attente s’allonge derrière elle.
Elle ne comprend pas ce qu’on lui dit en hébreu, ne comprend pas davantage la traduction dans un anglais boiteux. Elle ne comprend pas qu’elle ne comprend pas : dix ans d’école juive, vingt ans d’éducation sioniste, tous ces cours d’hébreu, toutes ses colonies de vacances hébraïsantes pour en arriver là — incapable de faire ses courses au supermarché du coin.
« Mais comment je vais faire ? »
Une deuxième Française dans la queue, peut-être moins fraichement débarquée, aide à la traduction.
« Merci madame. Mais comment je vais faire ? »
Quatre enfants, plus de langue, plus de maison, peu de famille. La seule phrase que l’on sait décliner en trois langues est : « Papa est à l’étranger ». Et oui, papa vit entre la France et Israël. Lieu de résidence secondaire : l’aéroport. Cette phrase est dite en français à la maison, en hébreu à la maitresse, et en anglais aux nouveaux copains. Papaoutai, nouvel hymne national. Au moins celui-là, on en comprend les paroles.
« Mais comment je vais faire ? »
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