
Attention! Cet article s’attache uniquement aux dérives du “tout-digital” et ne traite pas des avantages très clairs des technologies qui nous permettent de continuer à communiquer.
La vie telle que nous la connaissions s’est arrêtée le 13 mars 2020, date officielle du début du confinement destiné à endiguer le virus Covid-19 en Israel. Depuis lors nous sommes cloitrés. Naïve, j’ai pensé que cet isolement mettrait un frein à la frénésie ambiante, au rythme effréné des réunions de travail, suivies de réunions téléphoniques, suivies de réunions de parents d’élèves. Que nenni. Pendant le confinement, nous n’arrêtons rien de nos activités. Nous les cumulons. Virtuellement, sans même la cloison géographique qui nous permettait de passer physiquement et mentalement d’une réunion à une autre. Sans même l’espace-temps qu’il nous fallait pour aller du travail à la maison. Virtuellement, nous sommes omniprésents. Nous sommes à la maison et au travail, avec les enfants et avec les collègues, au four et au moulin. Et surtout, nous ne sommes nulle part. Nous ne sommes pleinement présents nulle part. Nous faisons présence. Nous brassons de l’air. Nous sommes là pour n’importe qui et n’importe quoi (le cours de tango en virtuel, sérieusement ?) et l’association des mamans de la rue. Mais sommes-nous vraiment là pour les personnes qui comptent ? A l’écoute ? Je ne pense pas. L’Homniprésent est le croisement entre un courant d’air et un bruit de fond. Il parle pour ne rien dire. D’ailleurs il s’exprime en icones ce qui réduit considérablement le champ de sa pensée. Il est léger comme l’air, superficiel, touche à tout, et surtout à RIEN. Mais il est LA. Surtout ne pas manquer une réunion virtuelle, un échange WhatsApp, l’Homniprésent fonde sa vision de la performance sur la réactivité plutôt que la pertinence ; la disponibilité plutôt que l’utilité. Alors, maintenant on s’épuise, mais virtuellement. On est avec les enfants, le téléphone vissé à l’oreille — enfin intégré dans l’oreille de façon constante — merci l’oreillette. On s’essouffle et on se perd, pourtant confinés entre 4 murs. Je voudrais poser les questions suivantes à mes contemporains : Quelle est la valeur actuelle du silence (en gardant en tête que les choses rares se font précieuses) ? Quand vous êtes-vous sentis vraiment investis dans le moment présent ? Aviez-vous un téléphone en main à ce moment-là ? J’en doute. Mettons donc nos téléphones de côté, pour mieux nous connecter au silence, à nous-même, aux personnes et aux choses qui comptent réellement. Un enfant, un regard, un sourire. Un accomplissement professionnel qui se passe de post Linkedin. Le sentiment du travail bien fait, une réflexion menée à bien, un client qui dit vous merci, simplement, sans like et sans les commentaires de parfaits anonymes. Le confinement ne devrait pas nous mener vers un enfermement bien pire, celui de la dépendance à une existence virtuelle, scandée par les flux continus de l’information, des groupes WhatsApp et des appels Facetime de lointaines connaissances désœuvrées.
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