Il arrive parfois que je croise un visage familier, incongru dans le paysage israélien. Un fragment de mon passé parisien, une figure connue qui surgit, inattendue, au détour d’une rue. Avec l’alyah de France ces dernières années, c’est de plus en plus fréquent. Les rappels de Paris se multiplient. Des parcours qui se croisent, se dénouent et se perdent, pour se retrouver ici. Fragments de mon passé, qui se rejoignent pour une promesse d’avenir.
Après onze ans en Israël, j’ai entendu des centaines d’histoires d’alyah. Elles résonnent encore à mes oreilles, bourdonnent dans mon esprit. Elles palpitent au bout de mes doigts, implorant d'être écrites. J’y songe une brève seconde, et me demande laquelle choisir. Je vois une mosaïque aux mille visages, et ce mot qui revient : « partir ».
Chaque histoire est bouleversante, chaque retour est un miracle. Mais les histoires qui me touchent le plus sont celles des départs spontanés. Ceux qui sont partis alors que rien ne les y prédestinait, guidés par un désir qui les dépassait et une intuition puissante. Ceux qui, sans le savoir, formulent l’axiome biblique : « Nous ferons, puis nous comprendrons », version contemporaine.
Il y a cette fidélité, consciente ou ensevelie, à une promesse vieille de deux mille ans, à une terre, pourtant toujours peuplée de géants, comme à l’époque des explorateurs bibliques. Des géants symboles de nos peurs. Un pour la peur du manque et deux pour celle du danger. Trois pour celle de la perte de la parole et quatre pour celle de l’anonymat, la perte de prestige, de position sociale. Des géants aux visages de nos appréhensions, qui nous toisent du haut de l’importance que nous leur donnons. Car aujourd’hui comme alors, la réussite en terre d’Israel est une question de foi. Pas de croyance au sens religieux, mais de foi en nous-mêmes, et en nos rêves.
Je me souviens d’une anecdote que l’on racontait sur le Rabbi de Loubavitch, Menachem Mendel Schneerson. Agé de plus de 80 ans, il se tenait tous les dimanches sur le seuil de sa maison de Brooklyn et distribuait des bénédictions aux visiteurs, accompagnées des fameux billets d’un dollar qui sont devenus les symboles de ses bienfaits. Il pouvait rester ainsi, debout, huit, dix, douze heures. A quelqu’un qui lui demanda un dimanche s’il n’était pas fatigué, le Rabbi répondit « Et qui se fatiguerait de compter des diamants ?»
Je collecte les histoires d’alyah comme des diamants, et leurs héros sont bien souvent inconscients de leur courage, de la profondeur de leur quête.
Parmi les nouveaux-venus qui ont croisé mon chemin, j’ai trouvé des croyants, des rêveurs, des pionniers et des chercheurs de sens. J’ai entendu une infinité d’histoires, une myriade de prodiges. En voici quelques-uns : Il y a ceux qui ont eu peur ; Ceux qui ont « toujours su » qu’il n’y avait pas d’ailleurs ; Ceux qui ont fait leurs valises sur un coup de tête ; Ceux qui ne souffraient plus de cacher leurs kippas sous une casquette ; Ceux qui ont eu mal de l’antisémitisme ; Ceux qui cherchaient du sens et ont embrassé le sionisme ; Ceux qui sont venus par amour ; Ceux qui voyaient que la République était sous compte à rebours ; Ceux qui voulaient réparer le passé ; Ceux qui sont venus pour oublier ; Ceux qui venaient pour guérir ; Et d’autres encore pour fuir.
J adoooooore te lire.. Un vrai plaisir
J attends la suite avec impatience
Merci❤️